1 Juin 2018
Je ne sais pas vous mais, moi, j'adore regarder dans les maisons et les appartements juste pour voir.
Petit voyeurisme ? Peut-être, mais sans malveillance, sans jugement, sans conséquence.
Grande curiosité ? Incontestablement ... pour être surprise plus que pour surprendre, pour imaginer une histoire, une vie, et peut importe que ce soit vrai ou pas. Pour être inspirée aussi : une association de couleur audacieuse, une lampe originale, un papier peint qui sort de l'ordinaire.
C'est particulièrement vrai à la tombée de la nuit lorsque le ciel s'assombrit et que les lumières s'allument à l'intérieur. Et c'est précisément ce que photographie l'artiste Gail Albert Halaban à Paris, New-York et Buenos Aires.
Sur son site internet, la photographe explique fort bien sa démarche : la volonté de montrer la vie dans sa globalité et le fourmillement du quotidien plutôt que rentrer dans l'intimité des gens.
Et puis, elle reprend ce magnifique poème de Charles Baudelaire, que je connaissais pas et qui correspond réellement à ce que je ressens.
Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?
Pour les personnes qui seraient mal à l'aise avec cette forme de voyeurisme, Gail Albert Halaban précise qu'elle prend toutes ses photos en total conformité avec la loi, et surtout avec l'accord des personnes qui habitent les immeubles photographiés.