20 Avril 2020
"Il faut que tu saches qu'avec toi, nous avons appris quelque chose qui nous emplit d'orgueil : nous avons appris à apprécier, à respecter et à aimer un être différent. Il est très facile d'accepter et d'aimer ceux qui nous ressemblent, mais quelqu'un de différent, c'est très difficile, et tu nous as aidés à y arriver." L'écrivain et journaliste chilien Luis Sepulveda est décédé la semaine dernière. C'est avec le livre "Le vieux qui lisait des romans d'amour" qu'il a marqué les esprits. Mais pour moi, son récit le plus remarquable est "Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler".
Cette fable, que Sepúlveda avait dédicacé à ses enfants, s’adresse aussi bien aux petits qu’aux adultes. La première page s'ouvre sur une mouette qui, touchée par une marée noire, parvient à rejoindre le port de Hambourg. Là, avant de mourir, elle confie son œuf à un chat, un gros matou paresseux, pour qu’il protège et élève l’oisillon. Abordant des thèmes universels et actuels tels que le respect de la différence, l’entraide, l’écologie, le courage ou l’apprentissage de la vie, ce bref récit nous questionne, avec humour et poésie, sur les relations entre hommes, entre animaux et entre les deux espèces.
J'ai lu ce conte avec mon fils quand il avait 7 ans. Lors de la lecture, l'histoire avait suscité beaucoup de questions de sa part et des échanges riches entre nous. Il a été un livre fondateur de son registre de valeurs personnel. Huit ans après, il s'en souvient encore. Nous avons lu aussi "Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur" ; celui-là fut d'un grand soutien pour accepter de ne pas être le plus fort ou le plus rapide. Il valorise l'imagination, l'ingéniosité, l'audace, le courage, la patience, la persévérance.
Et puis, Luis Sepulveda, pour moi, c'est aussi le voyageur qui part à la rencontre des terres, des personnes, des animaux... mais pas n'importe lesquels. Son Amérique du Sud, sa Patagonie, dont il parle avec passion, avec amour, sans fard et sans angélisme. Parmi ses derniers livres, "Dernières nouvelles du Sud" et "Le dernier voyage du Patagonia Express" relatent des itinérances effectuées avec son ami photographe Daniel Mordzinski sur une période de 15 ans. Au-delà des descriptions de paysages à la fois brutaux et incroyablement poétiques, il y décrit des rencontres, de celles qui prennent du temps pour se connaître, se faire confiance, se parler. Des rencontres qui vous nourrissent tout autant qu'elles vous questionnent.
Dans le monde entier l’on se salue d’un bonjour. En Patagonie, on se salue d’une question : “Est-ce que tu as du temps ?” Qu’il suffise de répondre oui et les récits s’enchaînent fondés sur un rapport au passé teinté de nostalgie, mettant en scène une terre épargnée par les changements violents qui ont bouleversé le territoire.
Comme dans tous ses écrits, Luis Sepulveda y fournit également matière à une réflexion sur notre rapport à notre environnement, sur les enjeux environnementaux pour l'avenir.
Dernier point que j'ai envie de souligner : même s'il n'est pas le plus visible, le thème du rapport au temps est récurrent dans l'oeuvre de Sepulveda. Il l'évoque ainsi dans ses derniers écrits : "Ces voyages au long cours, menés avec mon ami Daniel Mordzinski à partir de 1996, ont ainsi été tiraillés entre le souvenir d’un passé magnifié par les récits oraux, le temps présent du voyage et les perspectives malheureuses portées par les bouleversements socioéconomiques".
Souvenir d'un passé magnifié, temps présent du voyage, perspectives malheureuses portées par des bouleversements socioéconomiques... n'avons nous pas un parallèle à faire avec la période que nous vivons ?
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