7 Septembre 2018
Je vous quittais début juillet avec un sujet sur mes envies de lectures pour l'été. Avec beaucoup d'ambition, je listais les livres dont je souhaitais finir la lecture, ceux qui m'étaient tombé dans les mains par une belle matinée de rangement et ceux qui m'avait agrippés lors de mon passage en librairie.
L'été est fini, tout du moins la période des vacances estivales. L'heure est donc au bilan. Ambitieuse, je le fus et néanmoins, ces deux mois furent riches en lectures. Pour ce qui est des livres que j'ambitionnais de terminer*, j'avoue, je n'en ai fini aucun. Définitivement, ils ne me parlent pas, en tout cas, pas actuellement.
Avec les livres que j'ai dénichés au fond de ma bibliothèque et ceux trouvés chez mon libraire, j'ai eu plus de réussite : 6 sur 8 de lus ou commencés. J'y reviens un peu plus loin. Et en bonus, deux belles surprises. Mais assez de suspens, je vous fais la liste, et dans l'ordre chronologique de mes lectures.
* " C'est une étrange à la fin que le monde " de Jean d'Ormesson, " Le miracle Spinoza " de Frédéric Lenoir et " Je suis le genre de fille " de Nathalie Kuperman
Amin Maalouf
Ecriture envoutante que celle d'Amin Maalouf, je l'avais oublié. Cette fois encore, ce roman me traverse sans laisser d'empreinte. Je l'avais déjà lu et je ne m'en souvenais plus. Et là, deux mois après l'avoir lu, il m'a fallu le feuilleter à nouveau pour me remémorer l'histoire. Un petit détour par le résumé en quatrième de couverture me remet dans le récit.
"Echelles du Levant, c'est le nom qu'on donnait autrefois à ce chapelets de cités marchandes par lesquelles les voyageurs d'Europe accédaient à l'Orient. De Constantinople à Alexandrie, en passant par Smyrne, Adana ou Beyrouth, ces villes ont longtemps été des lieux de brassage où se côtoyaient langues, coutumes et croyances. Des univers précaires que l'Histoire avait lentement façonnés, avant de les démolir. Brisant au passage, d'innombrables vies."
En m'y replongeant, je retrouve la saveurs des épices, le poids de l'Histoire, la force de l'amour profond, les valeurs de tolérance et de paix, et surtout, le formidable mécanisme de l'âme humaine pour survivre et revivre, bien que mutilée.
Et sur ce dernier point, c'est le Joueur d'échec de Stefan Zweig qui me revient en mémoire. Dans l'un comme dans l'autre, la résilience y est décrite avec beaucoup de finesse
J'étais inquiet comme on peut l'être lorsqu'on se trouve soudain au coeur d'une joie intense, et un peu imméritée. Cette impression que le malheur guette, tel un rival jaloux au prochain croisement. Mais au-delà des pressentiments, dans cette foule trop de gens manquaient.
J.M.G. Le Clézio
Il y a bien longtemps, à une époque où j'étais jeune, j'avais été marquée par la lecture de Désert de ce même auteur. Avec Bitna, sous le ciel de Séoul j'ai replongé dans un pays lointain, hanté de personnages en sombres obscurs.
C'est le livre qui m'a le moins accroché cet été. J'ai eu le sentiment d'être dans une position de voyeur observant les personnages qui se débattent entre leur part d'ombre et les évènements, les situations qui amputent. Je n'ai pas aimé. Assister à cette amitié hors norme, dont les règles sont biaisées dès le départ, m'a mise mal à l'aise.
Et pourtant, les histoires qui se chevauchent entre contes et réalité, les personnages attachants malgré tout, m'ont amené jusqu'au bout du roman, portée par une écriture pleine de poésie.
Clarence Boulay
Après l'atmosphère suffocante et pesante de Bitna à Séoul, j'ai pris un grand bol d'air en débarquant sur l'île de Tristan avec Ida. Tristan est situé en plein milieu de l'Atlantique sud, à sept jours de navigation en langoustier de la ville du Cap... un autre monde, d'autres règles.
Pour Ida, c'est évidemment une découverte de chaque instant, un émerveillement devant la beauté à couper le souffle de cette nature sauvage, un étonnement face aux habitudes de la petite communauté qui vit sur l'île. Et puis, au détour du naufrage d'un cargo, il y aura une rencontre, une histoire d'amour brûlante, qui va consumer Ida. Ce qui se passe ailleurs, reste ailleurs.
Par une écriture subtile, tout en finesse, les émotions s'expriment à la fois très intensément et avec beaucoup de pudeur, se mêlant à des descriptions de paysages sauvages et préservés.
Sublime roman, à lire absolument.
Face à moi, le paysage est long et bleu. Sur l'île, je ne connais personne, personne ne m'attend. La page est blanche. Tout est possible. Non tout semble possible. Mais, ça, je ne l'ai su qu'après.
Christian Guay-Poliquin
Ce roman fut une très belle surprise. Choisi à l'instinct dans une librairie pendant les vacances, j'ai été embarqué dans cette histoire à la fois palpitante et terriblement lente. Dans un huis-clos pesant et glacé, vont cohabiter un jeune homme gravement accidenté et un vieil homme qui n'a que l'espoir désespéré de rentrer chez lui, ailleurs. Ils ne se connaissent pas mais leurs destins sont étroitement liés. Ils ont besoin l'un de l'autre, le premier pour vivre et le second pour fuir.
Tu craches sur ton destin. Tu ne peux pas te faire à l'idée que ton corps dans la fleur de l'âge est rompu, broyé. Tu te méfies, je sais, par contre tu as appris à accepter les soins que je te donne. Tu me jalouses aussi. Parce que je suis debout. Regarde par toi-même si tu m'entends, je tiens sur mes jambes. Regarde, j'ai plus de deux fois ton âge et je tiens.
Matthias marque une pause. Je l'entends qui se retourne et s'avance vers moi.
Depuis la neige, les relents de fièvre te font lâcher quelques gémissements, des murmures, des lambeaux de phrases. ce n'est pas une conversation mais je prends ce que tu me donnes. A mon âge, les tricheries ne me tourmentent plus.
L'écriture est dure, aride et sauvage, reflet de la nature décrite dans le roman, belle et dangereuse. L'histoire de ces hommes piégés dans un village isolé du reste du monde s'écoule au rythme de la neige qui monte et des réserves de nourriture qui s'épuisent.
Comme le précédent... sublime roman, à lire absolument.
Alice Zeniter
Prix Goncourt des lycéens, il faisait partie des livres qui pointaient sur ma liste de l'été. Après un démarrage d'une belle écriture mais qui ne m'a pas mobilisé, j'ai fini, tout doucement, par me laisser emporter par cette histoire familiale sur trois générations.
Dans ce roman à nouveau, des personnages intenses et attachants, se débattent entre l'emprise de l'Histoire, le poids de la famille et les émotions, interdites, contenues. Un choix, qui n'en est pas un, et ses conséquences renversent, piétinent, broient des vies, anesthésient des consciences, paralysent des destins.
Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent ... On peut perdre un pays. Tu connais Elisabeth Bishop ?
Elle rit parce que l'apparition du nom de la poétesse américaine dans cette voiture qui longe la côte algérienne à toute vitesse a quelque chose d'incongru. Ifren commence à réciter :
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître,
tant de choses semblent si pleines d'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
La suite du poème est à lire dans le livre...
Pour finir, je voudrais souligner que L'art de perdre, c'est aussi un regard sur la souffrance de l'exil, qui touche toutes les générations. Bien que douloureux, le contexte est certes différent de ce à quoi nous sommes confronté aujourd'hui. Pourtant, certains des mécanismes sont identiques et les souffrances se répètent. Nous avons tout intérêt à entendre ces souffrances plutôt que de les repousser en se bouchant les oreilles.
Corine Sombrun
Je conçois que le thème puisse ne pas inspirer tout le monde. Pourtant, en filigrane de cet apprentissage du chamanisme, il y a l'apprentissage de la vie tout simplement, un retour à des valeurs essentielles, une proximité avec la nature qui permet se remettre en lien avec soi-même.
C'est ici le deuxième opus d'une trilogie dont j'ai lu le premier livre en début d'année. Il m'avait interpellé, celui-ci m'a vraiment captivé. "Une parisienne en Mongolie", c'est un vrai choc des cultures raconté avec humour, tendresse et humilité. Mais surtout, Corine Sombrun y raconte son cheminement personnel sur la voie du chamanisme chargé de doutes et de détermination, témoignage qui inspirera tout ceux qui choisissent de ne pas suivre le chemin balisé par les autres.
Savoir c'est prendre le risque d'aller voir. C'est interdire le doute à la raison. C'est accepter les signes, accepter la folie. Allez jusqu'au bout pour être sûr. Et revenir. Ou pas.
Ezekiel Boone
Celui-là est un peu hors catégorie. C'est un livre que j'ai lu à 2 voix avec mon loulou. J'ai envie d'en parler ici, parce que je dis et je redis qu'il y a dans la littérature jeunesse de belles pièces qui permettent de prendre beaucoup de plaisir dans la lecture. L'année dernière, nous avions été captivé par Diabolic, dont nous avons lu le deuxième tome début juillet.
Cet été, c'est Eclosion qui nous a tenu en haleine pendant plusieurs jours. Ce roman relate une invasion mondiale par des araignées carnivores (âmes sensibles s'abstenir !). L'histoire est fort bien construite. L'intrigue et la tension s'installent progressivement par des zooms sur de nombreux personnages. Les uns survivent, les autres pas...
A peine fini, nous attaquons la suite de cette trilogie. Dans Infestation, le pire est à venir !