1 Septembre 2017
Pour beaucoup d'entre nous, l'été est la période idéale pour lire, et je ne déroge pas à la règle. Un rythme ralenti comme un sprint d'escargot, la montre oubliée au fond du tiroir et rien d'autre à faire que penser à soi, on prend enfin le temps de se poser et de lire.
Voici donc un résumé des livres que j'ai lus au cours de l'été (pas autant que je l'aurais souhaité !) piochés dans tous les styles.
J'ai commencé l'été avec Hiver à Sokcho d'Elisa Shua Dusapin, premier roman d'une jeune femme de père français et de mère sud-coréenne.
"A Sokcho, petite ville portuaire proche de la Corée du Nord, une jeune Franco-coréenne qui n'est jamais allée en Europe rencontre un auteur de bande dessinée venu chercher l'inspiration loin de sa Normandie natale. C'est l'hiver, le froid ralentit tout, les poissons peuvent être venimeux, les corps douloureux, les malentendus suspendus, et l'encre coule sur le papier, implacable ..."
Avec ce résumé de l'histoire, le décor est planté : la Corée du sud, la frontière avec la Corée du Nord, un hiver froid, une vie dure, une poésie de l'instant suspendu. J'ai aimé l'écriture d'Elisa Shua Dusapin, tout en douceur, mais aussi vive et piquante, s'attardant sur des détails, relevant toute la complexité des personnages derrière des profils en apparence très lisses.
Et puis, quel délice de lire ces descriptions de l'hiver rude et austère de la Corée du Sud, quand je recherche le frais sous les arbres de mon jardin en pleine chaleur estivale.
Découvert dans une émission littéraire, Colette et les siennes de Dominique Bona est un délicieux roman biographique qui retrace la vie de la romancière et artiste Colette sous le prisme de son amitié avec trois femmes d'exception, portant ainsi un regard hors norme sur la société, les rapports humains, la vie.
"Août 1914, il n'y a plus d'hommes à Paris. Les femmes s'organisent. Dans une jolie maison, à l'orée du Bois de Boulogne, Colette, la romancière, la journaliste célèbre, fait venir ses amies les plus proches. Toutes appartiennent au monde de la littérature et du spectacle. Il y a Marguerite Moreno, la comédienne. Annie de Pène, la chroniqueuse et "presque soeur". Musidora dite Musi, bientôt la première vamp du cinéma..."
Derrière un travail minutieux d'enquête et une écriture riche et intense, j'ai apprécié une histoire romanesque, ponctuée de rebondissements et de scandales, soutenue par une recherche d'absolu sans concession à la moralité. Ce pavé, écrit par une auteure élue à l'Académie française, est bien loin de l'ouvrage élitiste, réservé à une minorité d'érudits, bien loin de l'essai féministe porteur de revendication. C'est une invitation à suivre son chemin envers et contre tout ... ou tous.
Il y a eu, en filigrane, tout l'été Après l'extase, la lessive de Jack Kornfield, formidable essai sur le chemin de l'élévation spirituelle.
"Dans toutes les spiritualités, qu'elles soient boudhiste, hindouiste, juive, chrétienne, l'accomplissement personnel passe par "l'éveil", ce moment d'intense plénitude et de révélation intérieure. Mais ensuite, le quotidien et les habitudes reprennent leur cour ..."
Conseillé par Marine (petit message personnel : merci beaucoup pour tes conseils de lectures qui me font découvrir de petites merveilles surprenantes et imprévisibles), je me suis nourrie de ce recueil de témoignages portés par une analyse authentique et decomplexante. Les parcours ardus, chaotiques et pourtant très riches de maîtres spirituels nous invite à un peu d'humilité dans notre quête spirituelle.
Dans le registre lecture détente, j'ai dévoré Diabolic de S.J. Kincaid, nouvel exemple des friandises acidulées que peut nous réserver la littérature jeunesse.
"Avez-vous déjà observé un tigre ? Il possède une mâchoire assez puissante pour broyer l'homme le plus robuste, des muscles d'acier capables de traquer n'importe quelle créature. Pourtant, lorsqu'il attaque, il donne la mort avec une grâce aérienne."
Roman lu à deux voix avec mon lutin des bois (je vais me faire massacrer, s'il lit que l'ai surnommé comme ça !!!), nous avons dévorés cette histoire de pouvoir et de conquête qui se déroule dans un futur très lointain et pas très attirant. Une caste dominante et tyrannique, un questionnement sur l'identité, une histoire d'amour palpitante ..., nous avons été tenu en haleine jusqu'au dénouement, essayant de deviner la suite à chaque fin de chapitre.
J'avais demandé au libraire un roman frais et léger pour lire sur la plage. Il m'a conseillé Les nuits de laitue de Vanessa Barbara et je me suis retrouvée avec une intrigue policière en forme de chronique de quartier, désuète et pétillante.
"Otto et Ada partagent depuis un demi-siècle une maison jaune perchée sur une colline et une égale passion pour le chou-fleur à la milanaise, le ping-pong et les documentaires animaliers. Sans compter qu'Ada participe intensément à la vie du voisinage, microcosme baroque et réjouissant : Anibal, facteur fantasque qui chante à tue-tête et confond les maisons ; Nico, obsédé par les effets secondaires des médicaments ; Iolanda et ses chihuahuas hystériques ..."
Dans ce roman, il faut abandonner tout envie de comprendre pour se laisser porter par une histoire sans queue ni tête et qui ne montre sa raison d'être que dans les dernières pages avec un dénouement rocambolesque. Frais et léger, incontestablement, je n'ai pas été déçue, juste un peu perdue par moments ...
Avec Louange de l'ombre de Jun'ichirô Tanizaki, Eloge de l'ombre dans l'édition précédente, on passe dans un tout autre registre. Avec une acuité et une langueur sans pareil, l'auteur nous guide dans une étude approfondie de l'esthétique japonaise.
"Nous, les orientaux, là où il n'y a rien nous faisons surgir l'ombre et cela crée de la beauté.
Voici enfin proposée une nouvelle traduction du livre fondateur de l'esthétique japonaise du clair-obscur et du presque rien, du subtil et de l'ambigu, opposé au tout blanc ou noir écrasé de lumière rationaliste de l'Occident."
Egalement conseillé par Marine, ce petit livre est une poésie de l'esthétique japonaise, décrivant avec une minutie prodigieuse et une passion intense, l'ambiance feutrée d'une pièce, un bol de riz fumant dans un pot à riz en bois laqué ou encore le visage des acteurs des théâtres No et Kabuki. Mais bien au-delà de cela, c'est une revendication assumée d'une culture et d'un état d'esprit que Jun'ichirô Tanizaki juge vampirisés par l'occident.